mardi, mars 22, 2005

Fumer un pétard ou conduire, il va falloir choisir



La drogue ou le volant ?
Fumer un pétard ou conduire, il va falloir choisir


A partir du 1er Octobre 2001, des tests destinés à mettre en évidence la consommation de drogues ou de médicaments seront systématiquement pratiqués sur les conducteurs impliqués dans des accidents mortels. Vraie bonne nouvelle ou nouveau baril de poudre aux yeux ?

Selon un décret paru le 28 Août 2001 au Journal Officiel, tout conducteur impliqué dans un accident mortel subira, dès le 1er octobre 2001, un dépistage systématique de consommation de drogue. Le test, consistant en une analyse d’urine éventuellement suivie d'une prise de sang, sera pratiqué grâce à un kit qui sera prochainement fourni aux forces de l’ordre et devrait permettre de mettre en évidence la consommation de drogues, principalement à base d’opium, de cannabis, d’amphétamines et d’héroïne.

Au premier abord, on se dit que c'est plutôt une bonne idée. Plusieurs faits divers dans l'actualité de la route ont mis en évidence une augmentation du nombre d'accidents dûs plus ou moins directement à l'utilisation de drogues ou de médicaments. Outre le joint de cannabis qu'il est de bon ton de consommer dans une certaine bonne société branchée et les drogues dites plus "dures" que se partagent les camés-paumés-dealers pour exprimer leur rejet d'une société où ils n'ont pas leur place, il ne faut en effet pas oublier que de nombreux médicaments de type amphétamines ou antidépresseurs entraînent des troubles du comportement qui ont une incidence évidente sur la conduite automobile. Or, s'il est difficile d'avoir des statistiques fiables pour ce qui concerne le pétard ou la barette de shit, on sait quand même que près de 10% des adultes consomment régulièrement en France des médicaments qui peuvent interférer sur leurs capacités d'analyse et de réaction. Le gouvernement et notre cher ministre Gai-Sot ont donc décidé d'y mettre bon ordre, dont acte ! Mais euh... comment dire, il y a quand même quelque chose qui me chiffonne : et l'alcool dans tout ça ? On sait depuis fort longtemps que l'absorption de substances alcoolisées entraîne des états largement incompatibles avec la conduite, et pourtant on reste désespérément scotchés à notre barrière des 0,5 g/l qui serait garante de tous les maux, comme en leur temps les frontières françaises qui avaient arrêté le nuage radioactif de Tchernobyl comme par magie.

Dans le détail




C'est alors qu'on se penche un peu plus sur ce nouveau décret ministériel, et là les surprises affluent. Déjà, il faut savoir que le refus de se soumettre à ces tests pourra entraîner une peine de deux ans de prison et 30.000 FF d’amende [4573,87 €] ; si l'on se souvient que la consommation de stupéfiants est toujours officiellement punie d'un an d’emprisonnement et de 25.000 FF d’amende [3811,56 €], on peut en déduire qu'il vaut mieux fumer un pétard que refuser le test. Une façon d'inciter les gens à collaborer avec la police ? En allant jusqu'au bout du raisonnement, c'est presque de l'incitation à la consommation !
Cette nouvelle mesure serait-elle suivie d'une sévérité accrue pour les contrevenants ? Que nenni, rien n'a été officiellement prévu en ce sens ! Dans un premier temps, la conduite sous l’empire de produits stupéfiants ne sera en effet pas retenue en cas d’accident (homicide involontaire), même si on peut supposer que la présence de cet élément dans un dossier pourra amener le juge à moduler la peine en conséquence. On croit rêver !

Autre abberration incroyable, ce dépistage n'aura lieu que pour les accidents ayant entraîné mort d'homme. On devine ici la patte discrète des contrôleurs financiers qui se sont penchés, calculette à la main, sur le coût d'une telle mesure avant de pondre cette séparation arbitraire entre les accidents qui méritent dépistage et ceux qui ne le méritent pas. Deuxième incitation implicite de l'état français : shootez-vous, conduisez et faites des accidents à tire-larigot, mais de grâce ne tuez personne ! Ca fait mauvais genre dans les statistiques...
Dernier point, reconnu par les spécialistes du monde médical eux-mêmes : la difficulté de réaliser des tests fiables. Le dépistage des drogues est infiniment plus difficile à réaliser que celui de l’alcool, notamment en raison de possibles interférences avec des produits licites ayant les mêmes effets (méthadone ou médicaments contenant de la codéine par exemple). D’autre part, compte tenu de la durée de vie des stupéfiants dans l’organisme (jusqu’à 28 jours pour le cannabis, quatre à cinq jours pour l’héroïne et la cocaïne), le test urinaire qui sera d’abord effectué permettra uniquement de dire si le conducteur a effectivement pris une substance stupéfiante. Pour en savoir plus, on aura recours au test sanguin, mais il est loin d’être précis : il donnera seulement une haute probabilité d’usage le jour de l’accident. Et que dire des produits comme le LSD qui sont très difficiles à doser et de ceux à longue durée de vie dont les effets sont courts (le cannabis par exemple agit de six à douze heures mais persiste dans l’organisme pendant des semaines).

Tout cela ne fait décidément pas très sérieux. On était habitués aux n'importe quoi et aux à peu près du Ministère des Transports, mais là, on se dit que Monsieur Gai-Sot et ses comparses ont fait très fort dans le genre démagogie. A moins que... bon sang, mais c'est bien sûr ! Cette mesure n'est qu'une étude statistique ! Elle servira durant deux ans à l’observatoire interministériel des drogues et toxicomanies à mettre en évidence l’incidence de la consommation de drogues dans les cas d’accidents mortels. Ouf, tu m'as fait peur ! C'est juste une enquête, un genre de sondage quoi. Si ça se trouve, ce sont des types de la SOFRES qui ont déterminé qu'il suffisait d'étudier les accidents mortels pour avoir un échantillon représentatif. Bon, ben moi je me tire, vous me rappelerez quand quelqu'un au ministère essaiera de faire vraiment quelque chose contre l'insécurité sur les routes.

Speedy Z - Août 2001